Front Rational ?

La rationalité c’est comme tout : les excès sont à proscrire! Si à un moment donné de l’histoire - pour faire court disons le 18^ème siècle en France - le recours au cartésianisme, à la rationalité, à l’esprit scientifique, etc., ont été salutaires pour l’espèce humaine, entre autres pour se débarrasser des superstitions, d’une bonne partie des maladies physiologiques, psychologiques et sociales et du totalitarisme de l’Eglise, des curés et des religions en général, il faut bien se rendre à l’évidence (Michel Foucault l’a très bien démontré) c’est bien cette façon de voir les choses et les humains (la science explique tout) qui CREE le déséquilibré, l’anormal, l’asocial, le fou, l’extrémiste.

Malheureusement (et je demande à mes amis scientifiques présents sur cette liste, par avance de m’excuser pour les propos à venir...) l’esprit rationnel, qui, à l’origine, représentait une libération, voire une utopie, a accouché des pires cauchemars de l’humanité : le nazisme, le stalinisme, le désir de faire le bonheur de l’humanité à grands coups de théories « humanistes » sans la consulter. L’aboutissement de la science, qui à force de vouloir expliquer l’inexplicable, est forcément une vision totalitaire de l’univers qui ne prend, à terme, plus en compte les différences, le multiple, la singularité de l’humain.

Loin de moi l’idée que toute science est à rejeter mais l’abus de science et de rationalité est nocif. De tous les temps, seule la théorie scientifique, qui prône l’objectivité, donc, à priori rejetant l’imparfait puisque tout serait démontrable, a été capable de mettre l’humanité en coupe réglée, et à son insu puisque c’est pour son bien ou son mieux-être.

Alors, oui! Les poëtes sont des fous dangereux et déséquilibrés ; oui, les artistes sont des illuminés irresponsables et anormaux ; oui le rock est nocif pour la santé mentale, voire physique, mais que serait le monde sans eux? Une prison à ciel ouvert (quoique quelque peu assombri par les fumées des usines qui produisent nos merveilleux médicaments, nos fabuleuses voitures et nos ordinateurs) où l’humanité toute entière vivrait heureuse (enfin, ce qui en resterait), en bonne santé et surtout uniforme, réunie dans le culte de l’unicité du parfait, ayant absorbé les variétés, les différences et les passions (n’oublions pas que les amoureux, les chercheurs, même une bonne partie des grands chefs d’entreprise ou financiers sont eux-mêmes des passionnés et auront donc également disparu).

Nombreux sont ceux qui sont sous l’emprise d’une drogue mortelle entre toutes : l’appât du gain à tous prix, le désir de supprimer tout ce qui ne vous ressemble pas, la haine, même peut-être..

Pour terminer cet interminable et inutile propos, je répète, parce que je ne les classe pas tous dans la même boîte, que les scientifiques ne sont pas tous esclaves de la rationalité à tous prix et que je sais qu’il y a parmi eux de nombreux artistes, à leur manière, dont le seul but est de faire progresser les connaissances, y compris en dehors des sentiers battus. Aristote était un mathématicien, ce qui ne l’a nullement empêché d’écrire des grandes pages de philosophie et Leonard de Vinci a été un grand touche-à-tout, par exemple. C’est très récent cette façon de séparer les pensées scientifiques et artistiques.